TABLE DES MATIÈRES

L'espace
sensible

Le sentiment de la direction

Représentation de l'espace

Déplacement et changement d'état

Classification des déplacements

Introduction de la notion de groupe

Conséquences de l'existence du groupe

Propriétés du groupe

Continuité

Sous-groupes

Sous-groupes rotatifs

Sous-groupes translatifs

Nombre des dimensions

La notion du point

Discussion de la théorie précédente

Le raisonnement d'Euclide

La géométrie de Staudt

L'axiome de Lie

La géométrie et la contradiction

L'emploi des figures

La forme et la matière

Conclusions

 

 

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L'AXIOME DE LIE

C'est Sophus Lie qui a le plus contribué à mettre en évidence l'importance de la notion de groupe et à établir les fondements de la théorie que je viens d'exposer. C'est lui, en fait, qui a donné sa forme actuelle à la théorie mathématique des groupes continus. Mais pour rendre possible l'application de cette théorie à la géométrie, il regarde comme nécessaire un nouvel axiome qu'il énonce en déclarant que l'espace est une Zahlenmannigfaltigkeit; c'est-à-dire qu'à tout point d'une ligne droite correspond un nombre et vice versa.

Cet axiome est-il absolument nécessaire? Et les autres principes que Lie a posés ne pourraient-ils pas en dispenser? Nous avons vu plus haut, à propos de la continuité, que les groupes les plus connus pouvaient être, à un certain point de vue, répartis en trois classes; toutes les opérations du groupe peuvent être divisées en faisceaux; pour les groupes "discontinus", les différentes opérations du même faisceau ne sont qu'une seule opération répétée une fois, deux fois, trois fois, etc.; pour les groupes "continus" proprement dits, les différentes opérations du même faisceau correspondent à différents nombres entiers, commensurables ou incommensurables; enfin, pour les groupes qui peuvent être appelés "semi-continus", ces opérations correspondent à différents nombres commensurables.

Or, on peut démontrer qu'il n'existe pas de groupe discontinu ou semi-continu qui possède d'autres propriétés que celles que l'expérience nous a amenés à adopter pour le groupe fondamental de la géométrie, et que je rappelle ici brièvement: Le groupe contient une infinité de sous-groupes, tous gleichberechtigt, que j'appelle sous-groupes rotatifs. Deux sous-groupes rotatif ont un faisceau commun que j'appelle rotatif et qui est commun non seulement à deux, mais à une infinité de sous-groupes rotatifs. Enfin tout déplacement très petit du groupe peut être regardé comme la résultante de six déplacements appartenant à six faisceaux rotatifs donnés. Un groupe satisfaisant à ces conditions ne peut être ni discontinu, ni semi-continu.

Sans doute, c'est là une propriété excessivement mystérieuse et qu'il n'est pas facile de démontrer. Les géomètres qui l'ignoraient n'en ont pas moins saisi ses conséquences, comme, par exemple, quand ils ont découvert que le rapport d'une diagonale au côté d'un carré est incommensurable. C'est pour cette raison que l'introduction des incommensurables dans la géométrie est devenue nécessaire. Le groupe doit donc être continu et il semble que l'axiome de Lie soit inutile.

Néanmoins, nous devons remarquer que la classification des groupes esquissée plus haut n'est pas complète; on peut concevoir des groupes qui n'y soient pas inclus. Nous pourrions donc supposer, que notre groupe n'est ni discontinu, ni semi-continu, ni continu. Mais ce serait là une hypothèse compliquée. Nous la rejetons ou plutôt nous n'y pensons jamais, pour la raison qu'elle n'est pas la plus simple qui soit compatible avec les axiomes adoptés.

Le fondement de l'axiome de Lie reste encore à fournir.

 

LA GÉOMÉTRIE ET LA CONTRADICTION

En poursuivant toutes les conséquences des différents axiomes géométriques, ne sommes-nous jamais amené à des contradictions? Les axiomes ne sont pas des jugements analytiques a priori; ce sont des conventions. Est-il certain que toutes ces conventions soient compatibles?

Ces conventions, il est vrai, nous on toutes été suggérées par des expériences, mais par des expériences grossières. Nous découvrons que certaines lois se vérifient approximativement et nous décomposons par convention le phénomène observé en deux autres: un phénomène purement géométrique qui obéit exactement à ces lois et un très petit phénomène perturbateur.

Est-il certain que cette décomposition soit toujours légitime? Il est certain que ces lis sont approximativement compatibles, car l'expérience montre qu'elles sont toutes approximativement réalisée en même temps dans la nature. Mais est-il certain qu'elles seraient compatibles si elles étaient absolument rigoureuses?

Pour nous la question n'est plus douteuse. La géométrie analytique est d'une construction solide et tous les axiomes ont été introduits dans les équations qui lui servent de point de départ: nous n'aurions pas pu écrire ces équations si les axiomes avaient été contradictoires. Maintenant que les équations sont écrites, elles peuvent être combinées de toutes les manières possibles; l'Analyse est la garantie que des contradictions ne pourront pas s'introduire.

Mais Euclide ne savait pas la géométrie analytique et cependant il n'a jamais douté un instant que ses axiomes ne soient compatibles. D'où lui venait sa confiance? Etait-il dupe d'une illusion? Et attribuait-il à nos expériences inconscientes plus de valeur qu'elles n'en possèdent réellement? Ou peut-être, puisque l'idée du groupe préexistait en puissance en lui, en a-t-il eu quelque obscur instinct sans atteindre à sa notion distincte. Je laisserai cette question sans la résoudre quoique j'incline vers la seconde solution.

 

L'EMPLOI DES FIGURES

On peut se demander pourquoi la géométrie ne peut pas être étudiée sans figures. Cela est facile à expliquer. Quand nous commençons à étudier la géométrie, nous avons déjà fait, dans d'innombrables occasions, les expériences fondamentales qui ont permis à notre notion d'espace de prendre naissance. Mais ces expériences ont été faites sans méthode, sans attention scientifique et pour ainsi dire inconsciemment. Nous avons acquis la faculté de nous représenter les expériences géométriques familières sans être obligés d'avoir recours à leurs reproductions matérielles; mais nous n'en avons pas encore déduit de conclusions logiques. Comment le ferons-nous? Avant d'énoncer la loi, nous représenterons l'expérience en question d'une manière perceptible en la dépouillant aussi complétement que possible de toutes les circonstances accessoires ou perturbatrices, - exactement comme un physicien élimine dans ses expériences les sources d'erreurs systématiques.-

C'est ici que les figures sont nécessaires, mais elles sont un instrument à peine moins grossier que la craie qui sert à les tracer, et, de même que les objets matériels ne peuvent pas être représentés dans l'espace géométrique qui fait l'objet de nos études, nous ne pouvons nous les représenter que dans l'espace sensible. Ce ne sont donc pas des figures matérielles que nous étudions, mais nous nous servons d'elles simplement pour étudier quelque chose qui est plus élevé et plus subtil.

 

La forme et la matière ...

 

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