TABLE DES MATIÈRES

L'espace
sensible

Le sentiment de la direction

Représentation de l'espace

Déplacement et changement d'état

Classification des déplacements

Introduction de la notion de groupe

Conséquences de l'existence du groupe

Propriétés du groupe

Continuité

Sous-groupes

Sous-groupes rotatifs

Sous-groupes translatifs

Nombre des dimensions

La notion du point

Discussion de la théorie précédente

Le raisonnement d'Euclide

La géométrie de Staudt

L'axiome de Lie

La géométrie et la contradiction

L'emploi des figures

La forme et la matière

Conclusions

 

 

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CONSÉQUENCE DE L'EXISTENCE DU GROUPE

Ce premier fait que les déplacements forment un groupe, contient en germe une foule de conséquences importantes. L'espace doit être homogène ; c'est-à-dire que tous ses points sont capables de jouer le même rôle. L'espace doit être isotrope ; c'est-à-dire que toutes les directions qui partent du même point doivent jouer le même rôle.

Si un déplacement D me transporte d'un point à un autre ou change mon orientation, je dois être, après ce déplacement D, encore capable des mêmes mouvements qu'avant le déplacement D, et ces mouvements doivent avoir conservé leurs propriétés fondamentales qui m'ont permis de les classer parmi les déplacements. S'il n'en était pas ainsi, le déplacement D suivi d'un autre déplacement ne serait pas équivalent à un troisième déplacement ; en d'autres termes, les déplacements ne formeraient pas un groupe.

Ainsi le nouveau point auquel j'ai été transporté joue le même rôle que celui auquel j'étais initialement ; ma nouvelle orientation joue aussi le même rôle que l'ancienne ; l'espace est homogène et isotrope.

Étant homogène il sera illimité ; car une catégorie qui est limitée ne saurait être homogène puisque ses frontières ne pourraient pas jouer le même rôle que son centre. Mais cela ne veut pas dire qu'il est infini ; car la sphère est une surface sans frontière et cependant elle et finie. Toutes ces conséquences sont contenues en germe dans le fait que nous venons de découvrir.
Mais nous sommes encore incapables de les percevoir parce que nous ne savons pas encore ce que c'est qu'une direction ni même ce que c'est qu'un point.

 

PROPRI1ÉTÉS DU GROUPE

Nous avons maintenant à étudier les propriétés du groupe. Ces propriétés sont purement formelles. Elles sont indépendantes de toute qualité et en particulier de la nature qualitative des phénomènes qui constituent le changement auquel nous avons donné le nom de déplacement. Nous avons remarqué plus haut que nous pouvions considérer deux changements comme représentant le même déplacement bien que les phénomènes correspondants soient qualitativement tout à fait différents. Les propriétés de ce déplacement restent les mêmes dans les deux cas ; ou du moins les seules propriétés qui nous intéressent, les seules qui soient susceptibles d'être étudiées mathématiquement sont celles dans lesquelles la qualité n'intervient aucunement. Une courte digression est ici nécessaire pour rendre ma pensée compréhensible. Ce que les mathématiciens appellent un groupe est l'ensemble d'un certain nombre d'opérations et de toutes les combinaisons qui peuvent être formées avec elles. Dans le groupe qui nous occupe nos opérations sont des déplacements. Il arrive parfois que deux groupes contiennent des opérations qui sont entièrement différentes quant à leur nature, et que néanmoins ces opérations se combinent suivant les mêmes lois. Nous disons alors que les deux groupes sont isomorphes.

Les différentes permutations de six objets forment un groupe et les propriétés de ce groupe sont indépendantes de la nature des objets. Si au lieu de six objets matériels nous prenons six lettres ou même les six faces d'un cube, nous obtenons des groupes qui diffèrent quant à la matière dont ils sont composés, mais qui sont tous isomorphes les uns avec les autres.

Les propriétés dites formelles sont celles qui sont communes à tous les groupes isomorphes. Si je dis, par exemple, que telle ou telle opération répétée trois fois est équivalente à telle ou telle autre répétée quatre fois, j'ai énoncé une propriété formelle, entièrement indépendante de la qualité. De telles propriétés formelles sont susceptibles d'être étudiées mathématiquement. On doit donc les énoncer sous forme de propositions rigoureuses. D'un autre côté, les expériences qui servent à les vérifier ne peuvent jamais être qu'approchées. C'est dire que les expériences en question ne peuvent jamais être le véritable fondement de ces propositions.
Nous avons en nous, en puissance, un certain nombre de modèles de groupes et l'expérience nous aide seulement à découvrir lequel de ces modèles s'écarte le moins de la réalité.

 

CONTINUITÉ

Nous observons d'abord que le groupe est continu. Voyons ce que cela veut dire et comment le fait peut être établi.

Le même déplacement peut être répété deux fois, trois fois, etc. Nous obtenons ainsi différents déplacements qui peuvent être regardés comme des multiples du premier. Les multiples du même déplacement D forment un groupe; car la succession de deux de ces multiples est encore un multiple de D. De plus, tous ces multiples sont échangeable; (vérité qu'on exprime en disant que le groupe qu'ils forment est un faisceau); c'est-à-dire qu'il est indifférent que nous répétions D d'abord trois fois et ensuite quatre fois ou d'abord quatre fois et ensuite trois fois. C'est là un jugement analytique a priori, une pure tautologie. Ce groupe des multiples de D n'est qu'une partie du groupe total. C'est ce qu'on appelle un sous-groupe.

Nous découvrons bientôt qu'un déplacement quelconque peut toujours être divisé en deux, trois ou un nombre quelconque de parties; je veux dire que nous pouvons toujours trouver un autre déplacement qui, répété deux, trois fois, reproduira un déplacement donné. Cette divisibilité à l'infini nous conduit naturellement à la notion de la continuité mathématique; cependant les choses ne sont pas aussi simples qu'elles le paraissent à première vue.

Nous ne pouvons pas prouver cette divisibilité à l'infini directement. Quand un déplacement est très petit, il est imperceptible pour nous. Quand deux déplacements diffèrent très peu, nous ne pouvons pas les distinguer. Si un déplacement D est extrêmement petit, ses multiples consécutifs seront indiscernables. Il peut arriver alors que nous ne puissions pas distinguer 9 D de 10 D, ni 10 D de 11 D, mais que nous puissions néanmoins distinguer 9 D de 11 D. Si nous voulions transcrire ces données brutes de l'expérience en une formule, nous »cririons :

9 D = 10 D, 10 D = 11 D, 9 D < 11 D.

Ce serait là la formule du continu physique. Mais une telle formule répugne à la raison. Elle ne correspond à aucun des modèles que nous portons en nous. Nous échappons à ce dilemme par un artifice; et à ce continu physique - ou si vous préférez à ce continu sensible qui se présente sous une forme intolérable pour nos esprit - , nous substituons le continu mathématique. Séparant nos sensations de ce quelque chose que nous appelons leur cause, nous admettons que le quelque chose en question se conforme au modèle que nous portons en nous et que nos sensations s'en écartent seulement à cause de leur grossièreté.

Le même procédé revient chaque fois que nous soumettons à la mesure les données de nos sens; il est notamment applicable à l'étude des déplacements. Du point que nous avons atteint maintenant, nous pouvons rendre compte de nos sensations de plusieurs manières différentes.

1 - Nous pouvons supposer que chaque déplacement fait partie d'un faisceau formé de tous les multiples d'un certain petit déplacement, beaucoup trop petit pour être perçu par nous. Nous aurions alors un faisceau discontinu qui nous donnerait l'illusion de la continuité physique parce que nos sens grossiers seraient incapables de discerner deux éléments consécutifs quelconques du faisceau.

2É Nous pouvons supposer que chaque déplacement fait partie dÌun faisceau plus complexe et plus riche. Tous les déplacements dont ce faisceau se compose seraient échangeables. Deux quelconques d'entre eux seraient des multiples d'un autre déplacement plus petit qui ferait lui-même partie du faisceau et qui pourrait être regardé comme leur plus grand commun diviseur. Enfin tout déplacement du faisceau pourrait être divisé en deux, trois ou un nombre quelconque de parties, dans le sens que j'ai donné plus haut à ce mot et le diviseur ferait encore partie du faisceau. Les différents déplacements du faisceau seraient, pour ainsi dire, commensurables l'un avec l'autre. A chacun d'eux correspondrait un nombre commensurable et vice-versa. Ce serait donc déjà une sorte de continu mathématique; mais cette continuité serait encore imparfaite, car il n'y aurait rien qui correspondît aux nombres incommensurables.

3 - Nous pouvons supposer enfin que notre faisceau est parfaitement continu. Tous ses déplacements sont échangeables. A chaque nombre commensurable ou incommensurable correspond un déplacement et vice versa. Le déplacement correspondant au nombre n a n'est pas autre chose que le déplacement correspondant au nombre a répété n fois.

Pourquoi est-ce la dernière de ces trois solutions qui a été adoptée? Les raisons de ce choix sont complexes.

1 - Il a été établi par l'expérience que les déplacements qui sont suffisamment grands peuvent être divisés par un nombre quelconque; et comme les instruments de mesure ont augmenté de précision, cette divisibilité a été démontrée pour des déplacements beaucoup plus petits, à l'égard desquels elle semblait d'abord douteuse. Nous avons ainsi été conduits par induction à supposer que cette divisibilité est une propriété de tous les déplacements, si petits qu'ils soient, et en conséquence à rejeter la première solution et à nous décider en faveur de la divisibilité à l'infini.

2 - La première solution, comme la seconde, est incompatible avec les autres propriétés du groupe, que nous connaissons par d'autres expériences. J'Ìexpliquerai cela plus loin. La troisième solution s'impose donc à nous par ce fait seul. Le contraire pourrait être arrivé. Il aurait pu se faire que les propriétés du groupe fussent incompatibles avec la continuité. Alors nous aurions sans doute adopté la première solution.

Sous-groupes ...

 

 

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