TABLE DES MATIÈRES

L'espace
sensible

Le sentiment de la direction

Représentation de l'espace

Déplacement et changement d'état

Classification des déplacements

Introduction de la notion de groupe

Conséquences de l'existence du groupe

Propriétés du groupe

Continuité

Sous-groupes

Sous-groupes rotatifs

Sous-groupes translatifs

Nombre des dimensions

La notion du point

Discussion de la théorie précédente

Le raisonnement d'Euclide

La géométrie de Staudt

L'axiome de Lie

La géométrie et la contradiction

L'emploi des figures

La forme et la matière

Conclusions

 

 

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SOUS-GROUPES

La plus importante des propriétés formelles d'un groupe est l'existence des sous-groupes. Il ne faut pas supposer qu'il peut être formé autant de sous-groupes que nous voulons et qu'il suffit de découper un groupe d'une manière arbitraire, comme on découperait une argile inerte, pour obtenir un sous-groupe.

Si deux déplacements sont pris au hasard dans un groupe, il sera nécessaire, pour en former un sous-groupe, d'y joindre toutes leurs combinaisons et dans la plupart des cas, il arrive qu'en combinant ces deux déplacements de toutes les manières possibles, nous retrouvons finalement le groupe primitif dans sa forme initiale intacte. Ainsi il peut arriver qu'un groupe ne contienne pas de sous-groupe.

Cependant les groupes se distinguent les uns des autres, au point de vue formel, par le nombre de sous-groupes qu'ils contiennent et par les rapports des sous-groupes entre eux. Un examen superficiel du groupe des déplacements montre tout de suite qu'il contient quelques sous-groupes. Un examen plus approfondi les découvrira tous. Nous verrons que parmi ces sous-groupes, il y en a qui sont:

1 - continus, c'est-à-dire dont tous les déplacements sont divisibles à l'infini;
2 - discontinus, c'est-à-dire dont aucun déplacement n'est divisible à l'infini;
3 - mixtes, c'est-à-dire dont certains déplacements sont divisibles à l'infini et d'autres ne le sont pas.

D'un autre point de vue, nous distinguerons, parmi nos sous-groupes, les faisceaux dont les déplacements sont tous échangeables et les sous-groupes qui ne possèdent pas cette propriété.

Une autre manière de classer les déplacements et les sous-groupes est la suivante:

Considérons deux déplacements D et D'. Soit D'' un troisième déplacement défini comme la résultante du déplacement D', suivi du déplacement D, suivi lui-même du déplacement inverse de D'. Nous appellerons ce déplacement D'' le transformé de D par D'.

Du point de vue formel tous les transformés du même déplacement sont en quelque sorte équivalents; ils jouent le même rôle; les Allemands disent qu'ils sont gleichberechtigt. Ainsi (s'il m'est permis pour un instant d'employer à l'avance le langage ordinaire de la géométrie que nous sommes censés ne pas savoir encore) deux rotations de 60° sont gleichberechtigt, deux déplacements hélicoïdaux du même pas et de la même fraction de spire sont gleichberechtigt.

Les transformés de tous les déplacements d'un sous-groupe g par le même déplacement D' forment un nouveau sous-groupe que nous appellerons le transformé du sous-groupe g par le déplacement D'. Les différents transformés du même sous-groupe, jouant le même rôle au point de vue formel, sont gleichberechtigt.

Il arrive généralement que beaucoup des transformés du même sous-groupe sont identiques; il arrivera même quelquefois que tous les transformés d'un sous-groupe soient identiques les uns aux autres et identiques au sous-groupe primitif. On dit alors que ce sous-groupe est invariant (ce qui arrive, par exemple, dans le cas du sous-groupe formé de toutes les translations). L'existence d'un sous-groupe invariant est une propriété formelle de la plus haute importance.

 

SOUS-GROUPES ROTATIFS

Le nombre des sous-groupes est infini; toutefois ils peuvent Õtre divisés en un nombre assez limité de classes dont je ne veux pas donner ici une énumération complète. Mais nous ne percevons pas tous ces sous-groupes avec la même facilité. Certains d'entre eux n'ont été découverts que tout récemment. Leur existence n'est pas une vérité intuitive. Sans doute, elle peut se déduire des propriétés fondamentales du groupe, de propriétés qui sont connues de tout le monde et qui sont, pour ainsi dire, le patrimoine commun de tous les esprits, sans doute elle y est contenue en germe; cependant ceux qui ont démontré leur existence ont senti à juste titre qu'ils avaient fait une découverte et ont souvent été obligés d'écrire de longs mémoires pour parvenir à leurs conclusions.

D'autres sous-groupes, au contraire, nous sont connus d'une manière bien plus immédiate. Sans beaucoup de réflexion chacun croit en avoir une intuition directe et l'affirmation de leur existence constitue les axiomes d'Euclide. Comment se fait-il que certains sous-groupes ont tout de suite attiré l'attention tandis que d'autres ont échappé à toute recherche pendant beaucoup plus longtemps? Nous allons expliquer cela par quelques exemples.

Un corps solide ayant un point fixe tourne devant nos yeux. Son image se peint sur notre rétine et chacune des fibres du nerf optique nous transmet une impression; mais à cause du mouvement du corps solide cette impression est variable. Une de ces fibres, cependant, nous transmet une impression constante. C'est celle à l'extrémité de laquelle l'image du point fixe s'est formée. Nous avons ainsi un changement qui fait varier certaines sensations, mais en laisse d'autres invariables. C'est une propriété du déplacement, mais à première vue il n'apparaît pas que ce soit une propriété formelle. Il semble qu'elle fasse partie des caractères qualitatifs des sensations perçues. Nous allons voir cependant que nous pouvons en dégager une propriété formelle et pour rendre ma pensée plus claire, je vais comparer ce qui se passe dans ce cas avec ce qui arrive dans une autre circonstance qui est analogue en apparence.

Je suppose qu'un certain corps se meut devant mes yeux d'une manière quelconque, mais qu'une certaine région de ce corps est peinte d'une couleur suffisamment uniforme pour ne pas laisser discerner d'ombres. Disons qu'elle est rouge. Si les mouvements ne sont pas de trop grande amplitude et si la région rouge est suffisamment étendue, certaines parties de la rétine resteront constamment dans l'image de cette région, certaines fibres nerveuses me transmettront constamment l'impression du rouge, le déplacement aura laissé certaines sensations invariables.

Mais il y a une différence essentielle entre les deux cas. Revenons au premier. Nous assistions là à un changement externe dans lequel certaines sensations A ne changeaient pas, tandis que d'autres sensations B changeaient. Nous pouvons corriger ce changement externe par un changement interne et dans cette correction les sensations A restent cependant invariables.

Mais voici maintenant un nouveau corps solide qui tourne devant nos yeux et subit les mêmes rotations que le premier. C'est là un nouveau changement externe qui peut être entièrement différent du premier d'un point de vue qualitatif, parce que le nouveau corps qui tourne peut être peint de nouvelles couleurs ou parce que nous sommes avertis de sa rotation par le toucher et non par la vue. Nous découvrons cependant que c'est le même déplacement parce qu'il peut être corrigé par le même changement interne. Et nous découvrons aussi que, dans le nouveau changement externe, certaines sensations A', (peut-être totalement différentes de A), sont restées invariables, tandis que d'autres sensations B' ont varié. Ainsi cette propriété de conserver certaines sensations nous apparaît finalement comme une propriété formelle indépendante de la nature qualitative de ces sensations.

Passons au second exemple. Nous avons d'abord un changement externe dans lequel une certaine sensation C, une sensation de rouge, est demeurée constante. Supposons qu'un autre corps solide, peint différemment, subisse le même déplacement. Voici un nouveau changement externe, et nous savons qu'il représente le même déplacement, parce que nous pouvons le corriger par le même changement interne. Nous découvrons généralement que dans ce nouveau changement externe, il n'arrive pas que certaines sensations demeurent constantes. Ainsi la conservation de la sensation C nous apparaîtra seulement comme une propriété accidentelle, liée à la nature qualitative de la sensation.

Nous sommes ainsi conduits à distinguer parmi les déplacements ceux qui conservent certaines sensations. L'ensemble des déplacements qui conservent ainsi un système donné de sensations forme évidemment un sous-groupe que nous pouvons appeler sous-groupe rotatif.

Telle est la conclusion que nous tirons de l'expérience. Il est inutile de faire ressortir combien l'expérience est grossière et combien d'autre part la conclusion est précise. L'expérience ne peut donc pas nous imposer la conclusion, mais elle suffit à nous la suggérer. Elle suffit à montrer que, de tous les groupes dont les modèles préexistent en nous, le seuls que nous puissions adopter en vue d'y rapporter nos sensations sont ceux qui contiennent un tel sous-groupe.

A côté du sous-groupe rotatif, considérons ses transformés qui peuvent aussi être appelés sous-groupes rotatifs. (Sous-groupe de rotations autour d'un point fixe.) Par de nouvelles expériences, toujours très grossières, il apparaît alors:

1 - Que deux sous-groupes rotatifs quelconques ont des déplacements communs;

2 - Que ces déplacements communs, tous échangeables entre eux, forment un faisceau qui peut être appelé faisceau rotatif. (Rotations autour d'un axe fixe).

3 - Qu'un faisceau rotatif quelconque fait partie non seulement de deux sous-groupes rotatifs, mais d'une infinité.

C'est là l'origine de la notion de ligne droite comme le sous-groupe rotatif était l'origine de la notion de point.

Considérons maintenant tous les déplacements d'un faisceau rotatif. Si nous considérons un déplacement quelconque, il ne sera pas, en général, échangeable avec tous les déplacements du faisceau, mais nous découvrirons bientôt qu'il existe des déplacements qui sont échangeables avec tous ceux du faisceau rotatif et qu'ils forment un sous-groupe plus vaste qui peut être appelé sous-groupe hélicoïdal. (Combinaisons de rotations autour d'un axe et de translations parallèles à cet axe). Cela est évident si l'on observe qu'une ligne droite peut glisser le long d'elle-même.

Enfin, nous tirons des mêmes observations grossières des propositions telles que les suivantes:

Tout déplacement suffisamment petit et faisant partie d'un sous-groupe rotatif donné, peut toujours être décomposé en trois autres, appartenant respectivement à trois faisceaux rotatifs donnés.
Tout déplacement échangeable avec un sous-groupe rotatif fait partie de ce sous-groupe.
Tout déplacement suffisamment petit peut toujours être décomposé en deux autres, appartenant respectivement à deux sous-groupes rotatifs donnés ou à six faisceaux rotatifs donnés.
Je reviendrai plus tard en détail sur lÌorigine de ces diverses propositions.

 

SOUS-GROUPES TRANSLATIFS

Avec ces propositions, nous sommes en mesure, non pas de construire la géométrie d'Euclide, mais de limiter notre choix à un choix entre la géométrie d'Euclide et celles de Lobatchewsky ou de Riemann. Pour aller plus loin, nous avons besoin d'une nouvelle proposition qui prenne la place du postulatum des parallèles. La proposition qui en tiendra lieu sera l'affirmation de l'existence d'un sous-groupe invariant dont tous les déplacements sont échangeables et qui est formé de toutes les translations.
C'est là ce qui détermine notre choix en faveur de la géométrie d'Euclide, parce que le groupe qui correspond à la géométrie de Lobatchewsky ne contient pas un tel sous-groupe invariant.

Nombre des dimensions ...

 

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