TABLE DES MATIÈRES

L'espace
sensible

Le sentiment de la direction

Représentation de l'espace

Déplacement et changement d'état

Classification des déplacements

Introduction de la notion de groupe

Conséquences de l'existence du groupe

Propriétés du groupe

Continuité

Sous-groupes

Sous-groupes rotatifs

Sous-groupes translatifs

Nombre des dimensions

La notion du point

Discussion de la théorie précédente

Le raisonnement d'Euclide

La géométrie de Staudt

L'axiome de Lie

La géométrie et la contradiction

L'emploi des figures

La forme et la matière

Conclusions

 

 

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DÉPLACEMENT ET CHANGEMENT D'ÉTAT

Nous percevons du premier coup que nos sensations varient, que nos impressions sont sujettes au changement. Les lois de ces variations ont été cause que nous avons créé la géométrie et la notion d'espace géométrique. Si nos sensations n'étaient pas variables, il n'y aurait pas de géométrie.

Mais ce n'est pas tout. La géométrie ne serait pas née si nous n'avions pas été amenés à répartir en deux classes les changements que peuvent subir nos impressions. Nous disons tantôt que nos impressions ont changé parce que les objets qui les produisaient ont subi quelque changement d'état et tantôt que nos impressions ont changé parce que les objets ont subis un déplacement. Quel est le fondement de cette distinction ?

Une sphère dont un hémisphère est bleu et l'autre rouge tourne sur elle-même devant nos yeux et montre d'abord un hémisphère bleu et ensuite un hémisphère rouge. Un liquide bleu contenu dans un vase subit une réaction chimique qui le fait devenir rouge. Dans les deux cas l'impression de bleu a été remplacée par celle de rouge. Pourquoi le premier de ces changements est-il classé parmi les déplacements et le second parmi les changements d'état . ? Evidemment parce que dans le premier cas il me suffit de tourner autour de la sphère pour me placer de nouveau vis-à-vis de l'autre hémisphère et éprouver ainsi une seconde fois l'impression de bleu.

Un objet se déplace devant mon œil et son image qui se formait d'abord au centre de ma rétine se forme maintenant sur le bord. La sensation qui m'était apportée par une fibre nerveuse partant du centre de la rétine est remplacée par une autre sensation qui m'est apportée par une fibre partant du bord de la rétine. Ces sensations me sont amenées par deux nerfs différents. Elles doivent m'apparaÓtre comme qualitativement différentes, et, s'il n'en était pas ainsi, comment pourrais-je les distinguer ?

Pourquoi alors suis-je amené à penser que c'est la même image qui s'est déplacée ? Est-ce parce que l'une de ces sensations succède souvent à l'autre ? Mais des successions analogues sont fréquentes. Ce sont elles qui font naÓtre toutes nos associations d'idées et nous n'en concluons ordinairement pas qu'elles sont dues au déplacement d'un objet qualitativement invariable.

Mais ce qui arrive dans ce cas, c'est que nous pouvons suivre l'objet de l'œil et, par un déplacement de l'œil qui est généralement volontaire et accompagné de sensations musculaires, ramener l'image au centre de la rétine et rétablir ainsi la sensation primitive.

Je conclurai donc comme il suit :

Parmi les changements qui subissent nos impressions, nous distinguons deux classes :

1 - Les premiers sont indépendants de notre volonté et ne sont pas accompagnés de sensations musculaires. Ce sont des changements externes, pour ainsi dire.
2 - Les autres sont volontaires et accompagnés de sensations musculaires. Nous pouvons les appeler changements internes.

Nous observons ensuite que dans certains cas, lorsqu'un changement externe a modifié nos impressions, nous pouvons, en provoquant volontairement un changement interne, rétablir nos impressions primitives. Le changement externe peut donc être corrigé par un changement interne. Les changements externes peuvent être, par conséquent, subdivisés en deux classes :

1 - Les changements qui sont susceptibles d'être corrigés par un changement interne. Ce sont les déplacements.
2 - Les changements qui n'en sont pas susceptibles. Ce sont les changements d'état.

Un être qui ne pourrait pas se mouvoir serait incapable de faire cette distinction. Un tel être, par conséquent, ne pourrait jamais créer la géométrie, - même si ses sensations étaient variables et même si les objets qui l'entourent étaient mobiles.

 

CLASSIFICATION DES DÉPLACEMENTS

Une sphère dont un hémisphère est bleu et l'autre rouge tourne sur elle-même devant moi et me présente d'abord son côté bleu et ensuite son côté rouge. Je regarde ce changement externe comme un déplacement parce que je peux le corriger par un changement interne, c'est-à-dire en tournant autour de la sphère. Répétons l'expérience avec une autre sphère dont un hémisphère est vert et l'autre jaune. L'impression de l'hémisphère jaune succédera à celle du vert comme auparavant celle du rouge succédait à celle du bleu. Pour la même raison je regarderai ce nouveau changement externe comme un déplacement.

Mais ce n'est pas tout. Je dis aussi que ces deux changements externes sont dus au même déplacement, c'est-à-dire à une rotation. Cependant, il n'y a pas de rapport entre l'impression de l'hémisphère jaune et celle du rouge, pas plus qu'il n'y en a entre celle de l'hémisphère bleu et celle du vert, et je n'ai aucune raison de dire qu'il existe entre le jaune et le vert la même relation qu'entre le rouge et le bleu. Non, je dis que ces deux changements externes sont dus au même déplacement parce que je les ai corrigés par le même changement interne. Mais comment puis-je savoir que les deux changements internes par lesquels j'ai corrigé d'abord le changement externe du bleu au rouge, et ensuite celui du vert au jaune, doivent être considérés comme identiques ? Tout simplement parce qu'ils ont provoqué les mêmes sensations musculaires ; et pour cela je n'ai pas besoin de connaÓtre d'avance la géométrie et de me représenter les mouvements de mon corps dans l'espace géométrique.

Ainsi plusieurs changements externes qui n'ont en eux-mêmes rien de commun peuvent être corrigés par le même changement interne. Je les rassemble dans la même classe et les considère comme le même déplacement.

Une classification analogue peut être faite en ce qui concerne les changements internes. Tous les changements internes ne sont pas capables de corriger un changement externe. Seuls ceux qui en sont capables peuvent être appelés déplacements. D'autre part, le même changement externe peut être corrigé par différents changements internes. Une personne qui saurait la géométrie pourrait exprimer cette idée en disant que mon corps peut aller de la position A à la position B par plusieurs chemins différents. Chacun de ces chemins correspond à une série de sensations musculaires et pour le moment je n'ai pas connaissance d'autre chose que de ces sensations musculaires. Il n'y a pas de ressemblance entre deux de ces séries et si je les considère néanmoins comme représentant le même déplacement, c'est parce qu'elles sont susceptibles de corriger le même changement externe.

La classification qui précède suggère deux réflexions :

1 - La classification n'est pas une donnée brute de l'expérience, parce que la compensation mentionnée plus haut des deux changements, l'un interne et l'autre externe, n'est jamais exactement réalisée. C'est donc une opération active de l'esprit qui essaie d'insérer les résultats bruts de l'expérience dans une forme préexistante, dans une catégorie. Cette opération consiste à identifier deux changements parce qu'ils possèdent un caractère commun, et cela malgré qu'ils ne le possèdent pas exactement. Néanmoins, le fait même que l'esprit ait l'occasion d'accomplir cette opération est dù à l'expérience, car l'expérience seule peut lui apprendre que la compensation s'est approximativement produite.
2 - La classification nous amène en outre à reconnaÓtre l'identité de deux déplacements et il en résulte qu'un déplacement peut être répété deux ou plusieurs fois. C'est cette circonstance qui introduit le nombre et permet la mesure là où régnait auparavant la pure qualité.

Introduction de la notion de groupe ...

 

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